©Anna-Eva Bergman
le tuer
oser le faire
une bonne fois pour toutes
l’achever
debout sur l’aplomb de falaise qui retient sa férocité
d’où on peut le voir rugir sans crainte
vraiment sans crainte ?
le corps couvert de ses embruns
salé comme une peau prête à être dévorée
non il faut attendre
que nous pique une impatience d’enfant
de cet enfant ignorant que le tuer
le rendrait vorace
plus qu’il ne l’était
ou en éveillerait d’autres lui ressemblant
l’enfant en ma demeure sait peu de verbes
et c’est bien
car il les sait vraiment
le tuer
effriter à mains nues la pierre de la falaise
et le laisser couler au rythme de la fêlure
le long d’une fente tellurique
comme rivière se répand
dans le lit du temps de l’espace de l’esprit
et s’asseyant là en bordure de l’eau calme
comprendre – sans pensée aucune – que tuer le désir
c’est lui donner la vie
Illustration ©Anna Eva Bergman, N°8-1969 Grand horizon bleu, 1969, Vinyle et feuille de métal sur toile.
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