Vain poète

Fiché sur un siège de ronces
Il attend
Il attend
L’encre se fabrique
La plume
La feuille blanche
Sang
  Lame
    Linceul
Il attend la tragédie
Quand elle survient
Il écrit
Il écrit
Et rien ne bouge
Sauf le vent
Qui expulse
De la bouche
Des martyres
Son inspiration

La mécanique de l’heure

L’heure du départ approche
À grand bruit
Sous peu les pistons temporels
Perceront nos poitrines
Accélèreront nos cœurs
La mécanique assourdissante
De l’heure
Pilonnera nos âmes
Empêchant nos voix de porter
Nos paroles ultimes
Enfin nous nous jetterons dans
Les flots tourmentés
De nos océans pupillaires

Conversation avec un fantôme de ce monde

Tu es cet homme qui descend
Il n’y a rien que je puisse faire
Contre le vent qui te pousse
Regarder les dégâts
Vivant ou mort ?
Me le demander

Me le demander
En adaptant ma voix à la réponse désirée
Tu es cet homme qui descend
Vers le port
Quel port supporte que tu fasses cela
De lui
De nous tous
Crois-tu cela réel ?
Le bâtiment et le brouillard et les deux mêlés
Et le béton ravagé
Ravagé
Cela te parle
Toi tu ne parles pas
N’écoutes que tes pas
Tu es cet homme qui descend
Une chute est prévue tu penses cela
Une chute est prévue à telle heure
Courons la voir

Préparons-nous à maudire les mètres qui nous en séparent
Une chute répètes-tu avec une frénésie d’enfant
Les mètres
L’air
Le cœur

Je ne peux rien contre le vent
Tu es cet homme qui descend
Cet homme de bois
La cendre tu n’y penses pas
Tu dis : le feu, quoi le feu ?
Tu dis : Te parler ? Non !
La cendre tu n’y penses pas
Hier
Un pas
Ça suffit comme ça
Souffrir tu comprends
Ça prend tout mon temps
Hier un pas
Et cætera

Tu es cet homme qui descend
Qui parle aux murs
Aux matières transformées
Souffrir tu comprends ?
Oui      Non
La ville tu comprends ?
Oui
La ville nue ?
Non
Tu es cet homme qui descend
Vers l’ancien port
L’ancienne vie
Connais pas !
Aujourd’hui et maintenant
Une pensée tue l’autre
C’est comme ça
Qu’est-ce que j’y peux
Mon reflet ne ment pas
Si tu ne mens pas
Laisse-moi mourir
S’il te plait
S’il te plait
J’y arrive en marchant
Hier un pas
Hier un pas
Et cætera

Vipère

J’ai soulevé la pierre
Et la vie a filé
Et j’ai filé aussi
Avant ça elle dormait
Moi aussi je dormais
Ignorant que
C’était ça le danger
Mon père s’est écarté
Ce qu’il ne pouvait plus faire
Être là debout
Au milieu d’un chemin
Dans sa veste chasseur
À s’écarter pour
Me laisser passer
Je détalais
Mettais de la distance
Entre la vie et moi
Ignorant qu’elle
Ne court jamais
Après personne
Mais je savais ça
Son contact mortel
À dix ans et
Déjà des poussières

A la fin, rien.

À la fin je dirai
 Tous sont venus
 Chacun à leur tour 
 Et m’ont tenue la main
 Avant de la lâcher
 On aurait dit 
 Sans le faire exprès
 
Tous sont venus 
 Un jour ou l’autre
 S’asseoir à ma table
 Laissaient en partant 
 Des miettes de silence
 Que je balayais en hiver
 Pour nourrir la sitelle 
 Et quelques plumes d’ange
 Dont je ne faisais rien
 
À la fin je dirai
 Je n’ai pas fait mieux
 Trop attendu d’amour
 Trop aimé c’est certain
 Et mal tellement mal
 Peut-être contemplé 
 Plus qu’il n’aurait fallu
 Mais que faut-il faire ? 

Charente Maritime

Je voudrais retrouver 
L’aube marécageuse
Et sa terre drapée
D’une haleine grise
Sous laquelle l’océan
Empilait ses trésors

Mes pas somnolents
Déposant leurs baisers
Sur les lèvres humides
Des prés maritimes

Mon regard alourdi
Par la récolte des prémices
D’un jour admirable

Des guerres

Tu vas mourir c'est certain
Mon frère
Le cœur rongé par les guerres
Tu sais de quoi je parle
L'organe poétique et inexistant
Qui lâche
Inguérissable
Car où se situe-t-il ?
Au centre de l'angoisse et de la solitude
Où est-ce ?
Absolument partout et toujours
Tu vas mourir c'est certain
Mon frère
Rongé par les guerres fratricides
En hurlant presque mort
Famille je te hais
M'aimes-tu ?
M'as-tu jamais aimé ?
À genoux
Les épaules affaissées
M'aimeras-tu toujours ?
Tu dis
L’infini est dans le finissant
La solitude dans l'homme naissant
Tout est passé fini dans l'infini
Tu vas mourir c'est certain
Mon frère
L'organe poétique inexistant
Rongé par les guerres

Per se

Contre toute attente
Ma jeunesse est restée
À l’aurore
Elle ouvre grand mes yeux
Au crépuscule
Refuse de les fermer

Les armes vaines

La nuit me pénètre parfois 
En plein jour
Et toutes ses chimères
Me transpercent les os
Je combats éveillée
Sans mes armes familières
Qui s’animent seulement
Dans l’obscurité véritable
Faibles armes
Je l’avoue
Conservées de l’enfance
Sans pouvoir
Car maniées sans force
Ce sont elles sans doute
Qui ont ouvert des brèches
Dans le cuir de l’aube
Par où les démons de la nuit
S’échappent

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