I’m new here

Elle s’assoit sur les marches d’une Brownstone de Mount Morris Park West. Regarde l’heure sur son téléphone. 2h36. Un nuage noir recouvre lentement le soleil et s’immobilise.
Des sons lui parviennent de l’immeuble. Des voix d’hommes et de femmes, de la vaisselle qu’on entrechoque, des aboiements et la voix terminale de Gil Scott Heron. I’m new here.
Elle ne ferait pas ça. Retourner sur ses pas. Qui le ferait ?
2h38. Un homme qu’elle a croisé dans le parc passe sur le trottoir. Il lui fait un signe rapide de la main. Elle lui rend son salut. Plus loin, il salue de la même façon le type qui vend des tee-shirts et un agent de police. Ils n’y prêtent pas attention. Juste un fou. Encore une fois, elle n’a pas vu à qui elle avait à faire. Elle se sent observée. Un chat derrière une fenêtre du premier étage. Elle se redresse, comme elle le fait toujours quand on la regarde. Même si ce n’est pas utile. Dans sa tête, elle est toujours voûtée.
2h42. Derrière la fenêtre, une femme attrape le chat dans ses bras. Lui chuchote quelque chose à l’oreille. Ils disparaissent du cadre. Un homme sort du parc en courant. Il tient une arme dans sa main droite. S’arrête pour reprendre son souffle. Remonte son pantalon et traverse la rue.
Il s’assoit à côté d’elle. Lui dit : « quand j’étais gosse, j’habitais juste là. » Il désigne la fenêtre du premier étage, celle du chat. « C’est là et c’est pas là. » Le répète plusieurs fois. Là et pas là.
Les lieux ne sont pas stables. Elle le savait, mais pas lui.
Il tient l’arme mollement. Elle pourrait la lui prendre.
2h47. Il s’effondre. Un mouvement surnaturel et triste. Elle ne fait rien pour le retenir.
2h50. Elle longe Marcus Garvey Park en frôlant les barreaux de la grille avec le canon de l’arme. Elle aime le bruit du métal contre le métal. Elle pense : les lieux ne sont stables qu’une fois. Une seule et unique fois.

8 commentaires sur “I’m new here

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    1. Par exemple un vieux monsieur élégant et âgé. En tête à tête avec une femme beaucoup plus jeune, ( mais pas si jolie ), vêtue d’une veste en cuir noir, pas discrète. Elle lui dit : – Tu as de la chance de déjeuner avec une jolie femme comme moi …

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