Mauvais poème II

©Eva Aeppli
cette guerre a avalé
le temps tout entier du siècle en un mois seulement

qu’importe ce qu’il adviendra après
il est trop tard
nous sommes tous des vieillards
depuis hier

ça fait déjà longtemps
qu’hier nous promet qu’il ne voyagera plus

il serait vain de se demander pourquoi
on meurt si souvent de mains d’hommes
avant l’heure naturelle
il n’y a pas de réponse
il n’y en a jamais eu

nous sommes mortels

au lieu de s’exclamer que nous sommes vivants 
au lieu de s’en réjouir
depuis toujours on dit que nous sommes mortels
et on s’en désespère
et on va et on vient sans plaisir
dans l’attente de l’instant terminal
à l’abri derrière les ouvrages fortifiés de la philosophie
de l’histoire et de la poésie

ici-bas 
bien plus bas que terre
le guerrier est dans son élément
car ce sont des mortels qu’il veut
ce sont des mortels qu’il prend
et non pas des vivants

ce temps éclairé entre ta naissance et ta fin
quand il t’apparaîtra au milieu du chaos comme un fantôme creux
à la bouche ne te viendra que ce terrible mot fossoyeur de la Pensée
Pardon 


Sculpture ©Eva Aeppli, The Five Widows, 1972, soie, coton, Kapok.  Museum Tinguely. 

8 commentaires sur “Mauvais poème II

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  1. L’ART DE LA DESTRUCTION
    « Aucun pays n’a mieux maîtrisé l’art de la destruction de l’âme de ses citoyens que la Russie. »
    Joseph Brodsky 1
    Les bonnes raisons de faire la guerre sont toujours mauvaises
    Dans la tête du petit fonctionnaire soviétique du KGB devenu Espion en Chef et Maître Sans Vergogne de la Russie,
    C’était le moment de déclencher son « opération spéciale » : une bonne petite guerre pour purger les voisins ukrainiens de leur passion démocratique tournée vers l’Union Européenne.
    Et à la fin, on éventre les immeubles, on détruit théâtres, hôpitaux et maternités, on affame et on prive d’eau les villes assiégés, on tue et massacre, et les enfants ont autant de valeur que des chiots que l’on jette à l’eau.
    1 Joseph Brodsky (1940-1990)
    Arrêté pour « parasitisme social », (lire : « activité d’un poète récalcitrant »).
    Exfiltré aux Etats Unis, prix Nobel de Littérature en 1987.
    Quel lecteur de poésie n’a pas gardé en mémoire le fameux dialogue, devant la cour, à Leningrad, entre le juge et Iossip Brodski, lors de son procès pour «fainéantise », « parasitisme » en octobre 1964 ? À la déclaration de Brodski, qui rappela qu’il était « poète, traducteur poète », le juge eut cette répartie : « Et qui t’a reconnu comme poète ? Qui t’a fait entrer dans les rangs des poètes ? » À quoi l’auteur des Collines répondit : « Personne. Et qui m’a fait entrer dans les rangs de l’espèce humaine ? »

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