Carnet d’écriture, 28 janvier 2025

Il y a ce moment où ma main n’est plus reliée à ma pensée. Elle est reliée au monde. Elle ne peut pas dire le monde. Elle n’est pas le bon outil pour ça. Mais elle veut tout écrire. Elle m’oblige à d’autres pensées. 
Ma main écrit, Ils sont tous confortablement assis, bien couverts. Propres et probablement parfumés. Ils ont des attitudes bien solennelles sous le barnum. Ma main écrit, Les ouvriers qui ont monté le barnum, est-ce qu’ils avaient des gants et des bonnets ? Il fait très froid à Auschwitz en cette saison. Ma pensée lui répond, Il fait froid à Auschwitz en toutes saisons.
Ma main veut tout écrire. Tout. Je lui reproche de n’aimer que noircir. Elle écrit, Oui. Puis, Non. Elle écrit, C’est comme ça. L’écrit, c’est noir.
Elle écrit, A l’arrêt du tram, un homme a dit, ils annoncent 4 minutes depuis une heure. Elle écrit, La poésie est partout. Puis elle raye. Elle écrit, La vérité se trouve dans l’absurde. Je l'oblige à barrer la phrase. Ma main s'exécute. Elle griffonne, Voila,c’est toujours comme ça. Je tente de lui répondre quelque chose. Mais rien ne me vient.
Ma main écrit, Il y avait ce couple à El Cotillo. Assis à une table en terrasse face à l’océan. La femme n’aimait plus l’homme. Elle voulait qu’il parte, qu’il parte, mais que quelque chose de lui reste, reste. Pour toujours. Ça se voyait dans ses yeux à elle. Et dans ses yeux à lui, il n’y avait que du temps qui passe. Et une grande tristesse. Ma main écrit encore, Rien ne reste pour toujours. Ma pensée cherche à la contredire. La contredire. Ma main écrit, Il y a trop de choses à dire. La femme et l’homme sont partis ensemble. Ils ont croisé une connaissance, ils lui ont souri et fait un signe de la main. Ma main n’a pas vu ça. C’est un fait qu’on lui a rapporté. Elle écrit, Tout semblait normal. Ils remontaient la rue et tout semblait normal.
Ma main cesse d’écrire. Ma pensée te revoit dans le car qui va à Corralejo. Je regarde ta nuque. Tu regardes le désert. Mais ça je ne l'écris pas, je le garde pour moi. J’écris, Ici, le temps passe plus vite, à cause du vent incessant. Ma main écrit, Si vite qu’il nous oublie ?

Un commentaire sur “Carnet d’écriture, 28 janvier 2025

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  1. S’aventurer encore une fois avec sa main d’écriture Une main pour créer un langage singulier pour contrarier le cours des choses qui ne vont pas de soi Ma main dessine dans la nuit les formes qui me lient au texte en fragments contradictoires mais résolus à figurer jusqu’au bout les concours d’une vie

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